Gros sur la patate

15Fév/16Off

Les droits de douane, une fausse solution

La façon dont le gouvernement entrave l'économie de notre pays en cédant aux desiderata des entreprises m'a toujours sidéré. Il y a quelques jours de ça, j'ai pu en discuter avec plusieurs interlocuteurs, lors d'un meeting qui avait lieu à Deauville. Et ce qui est clairement ressorti de la discussion, c'est que les droits de douane sont le plus souvent une aberration totale. Les industriels en perte de vitesse prétendent souvent que les tarifs de douane sont essentiels pour les maintenir à flot face à une main-d‘œuvre étrangère bon marché. Mais c'est justement l'intérêt principal du commerce mondial que d'utiliser des inégalités internationales dans les prix portant sur des biens de toutes sortes ! Et il ne faut pas oublier que comme la technologie progresse, l’avantage concurrentiel évolue. Une nouvelle technologie apporte en effet généralement à un pays un avantage compétitif provisoire sur des produits particuliers. Avec le temps qui passe, cependant, d’autres pays maîtrisent cette technologie, et les coûts deviennent donc un facteur plus important dans l’avantage comparatif. Forcément, les entrepreneurs nationaux ayant perdu leur avantage comparatif se plaignent de la concurrence d’importations fabriquées par une main-d’œuvre étrangère bon marché. Les études ont cependant sans le moindre conteste fait apparaître qu'un pays gagne à admettre ce constat, à reconnaître que son avantage comparatif est en perte de vitesse, et à développer les secteurs d'activité où il détient maintenant un tel avantage. Parce qu‘il se trouve inévitablement un secteur dans lequel chaque pays détient un avantage sur les autres. En définitive, les mesures qui visent à favoriser par des droits de douane des domaines qui ont perdu leur compétitivité - comme l'industrie du textile - sont absolument inutiles et onéreuses. Evidemment, à court terme, il est évident que le fait de s'ajuster est difficile et dispendieux. Les employés perdent leur poste et doivent se lancer dans des industries qui leur sont inconnues. Mais en tout cas, si le gouvernement souhaite procurer une assistance provisoire, une forme ou une autre de recyclage est un moyen plus efficace qu’un droit de douane. Bien sûr, si nous étions tous d'accord pendant ce meeting à Deauville, c'est en partie parce que nous travaillons dans des secteurs d'activité en pleine phase ascendante ! Si vous aimez discuter de ces thèmes, je vous recommande de vous joindre à nous lors de la prochaine session. Allez sur le site de l’agence qui a organisé ce séminaire à Deauville, vous y trouverez les prochaines dates.

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15Fév/16Off

Honnêteté et simplicité

En premier lieu, l'honnêteté et le sens de la simplicité, vertus très appréciables quand elles sont autre chose que de la maladresse et le manque d'habitude dans la dissimulation, ce pourquoi il faut encore un certain esprit. En effet, partout où l'esprit et la souplesse frappent à première vue, il faut être quelque peu sur ses gardes et douter de la droiture de caractère. D'autre part cette honnêteté ne vaut souvent pas grand'chose et sur le domaine de la science elle est rarement féconde, vu qu'elle est affaire d'habitude et qu'elle ne dit généralement la vérité que quand il s'agit de choses simples ou indifférentes, car il y a là une certaine paresse à vouloir dire plutôt la vérité qu'à la taire. Tout ce qui est nouveau exigeant un changement de point de vue, l'honnêteté vénère, autant que cela est possible, l'opinion ancienne et elle reproche, à celui qui défend la nouveauté, son manque de jugement. La doctrine de Copernic a certainement rencontré de l'opposition parce qu'elle avait l'évidence et l'habitude contre elle. La haine de la philosophie, qui se rencontre souvent chez les savants, est avant tout une haine des syllogismes et des démonstrations artificielles. On peut même dire qu'au fond chaque génération de savants possède sans le vouloir une mesure déterminée de perspicacité permise; tout ce qui dépasse cette mesure est mis en doute et presque considéré comme un argument à invoquer contre l'honnêteté. En deuxième lieu, un regard pénétrant pour tout ce qui se trouve dans le proche voisinage, allié à la plus grande myopie quand il s'agit de juger ce qui est lointain et d'ordre général. Le champ visuel du savant est généralement très étroit et pour apercevoir les objets il faut qu'il s'en approche de très près. S'il veut passer d'un point qu'il vient d'étudier à un autre, il est obligé de déplacer tout son appareil visuel vers ce point. Il découpe l'image en une série de taches, comme quelqu'un qui, au théâtre, se sert d'une lorgnette pour voir la scène et dont le regard embrasse tour à tour une tête, le morceau d'un vêtement, mais sans parvenir à regarder l'ensemble. Ces taches différentes, il ne les voit jamais réunies et il se voit dans l'obligation d'inférer au lien qui les rattache, c'est pourquoi il n'a jamais de forte impression d'ensemble. Il jugera, par exemple, un écrit dont il n'est pas en état de voir l'ensemble d'après quelques morceaux, quelques phrases, quelque fautes; il serait prématuré de prétendre que pour lui un tableau à l'huile n'est qu'un sauvage amas de pâtés.

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15Fév/16Off

Bientôt un nouveau Kadhafi en Libye ?

Le 14 septembre 2015, un coup de tonnerre a retenti dans le ciel serein des certitudes démocratiques européo-centrées quand le Conseil suprême des tribus de Libye désigna Seif al-Islam Kadhafi comme son représentant légal. Désormais, voilà donc un fils du défunt colonel seul habilité à parler au nom des vraies forces vives de Libye...

Les abonnés à L’Afrique réelle et les lecteurs de ce blog ne seront pas surpris par cette nouvelle puisque, depuis 2012, je ne cesse d’écrire :

1) Que la pacification de la Libye ne pourra se faire qu’à partir des réalités tribales.
2) Que le seul à pouvoir reconstituer l’alchimie tribale pulvérisée par l’intervention militaire de 2011, est Seif al-Islam que son père, le colonel Kadhafi, avait pressenti pour lui succéder, et qui est actuellement « détenu » par les milices de Zenten.

Mes analyses ne procédaient pas du fantasme, mais du seul réel qui est que :

1) En Libye, la grande constante historique est la faiblesse du pouvoir par rapport aux tribus. Au nombre de plusieurs dizaines, si toutefois nous ne comptons que les principales, mais de plusieurs centaines si nous prenons en compte toutes leurs subdivisions, ces tribus sont groupées en çoff (alliances ou confédérations).

2) L’allégeance des tribus au pouvoir central n’est jamais acquise.

3) Les bases démographiques des groupes tribaux ont glissé vers les villes, mais les liens tribaux ne se sont pas distendus pour autant.

Le colonel Kadhafi fonda son pouvoir sur l’équilibre entre les trois grands çoff libyens, à savoir la confédération Sa’adi de Cyrénaïque, la confédération Saff al-Bahar du nord de la Tripolitaine et la confédération Awlad Sulayman de Tripolitaine orientale et du Fezzan à laquelle appartiennent les Kadhafda, sa tribu. De plus, à travers sa personne, étaient associées par le sang la confédération Sa’adi et celle des Awlad Sulayman car il avait épousé une Firkèche, un sous-clan de la tribu royale des Barassa. Son fils Seif al-Islam se rattachant donc à la fois aux Awlad Sulayman par son père et aux Sa’adi par sa mère, il peut donc, à travers sa personne, reconstituer l’ordre institutionnel libyen démantelé par la guerre franco-otanienne. Mais pour comprendre cela, encore faut-il se rattacher à la Tradition lyautéenne des « Affaires indigènes » et répudier l’approche universaliste des « cerveaux à nœud » du quai d’Orsay.

Aujourd’hui, les alliances tribales constituées par le colonel Kadhafi ont explosé ; là est l’explication principale de la situation chaotique que connaît le pays. En conséquence de quoi, soit l’anarchie actuelle perdure et les islamistes prendront le pouvoir en Libye, soit les trois confédérations renouent des liens entre elles. Or, c’est ce qu’elles viennent de faire en tentant de faire comprendre à la « communauté internationale » que la solution passe par les tribus... Certes, mais la Turquie et le Qatar veulent la constitution d’un État islamique et la justice internationale a émis un mandat d’arrêt contre Seif al-Islam...

Le 12 octobre, avec son habituel sens de la clairvoyance, sa célèbre hauteur de vue et son immense connaissance du dossier, BHL expliquera certainement cette évolution de la situation libyenne aux auditeurs de l’IHEDN (Institut des hautes études de la Défense nationale), devant lesquels il doit prononcer une conférence de « géopolitique ». Il est en effet bon que les plus hauts cadres civils et militaires sélectionnés pour intégrer cet institut prestigieux, puissent écouter les analyses des experts les plus qualifiés...

NB : Au début du mois de novembre, aux éditions de l’Afrique Réelle, sortira mon livre intitulé Histoire et géopolitique de la Libye des origines à nos jours, dans lequel, sur la longue durée, est mise en perspective la marqueterie tribale libyenne, clé de compréhension de la situation libyenne actuelle. Ce blog en rendra compte.

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8Fév/16Off

Il y a des jours comme ca

Il y a des jours où on a la patate. Et il y en a d'autres, comme ça, où l'on en a gros sur la patate.

C'est pour des jours comme ceux-là que j'ai créé ce blog. Pour extérioriser cette humeur maussade qui me prend parfois en regardant l'actualité. Pour expectorer, même, ces choses qui m'empêchent parfois de respirer, qui me donnent la sensation d'étouffer, d'être enfermé dans un cercueil six pieds sous terre.

Il faut dire que les nouvelles sont rarement bonnes. Il faut avoir un optimisme d'acier pour regarder le journal télévisé et se dire que nous vivons dans un monde pas si mal. Entre crises économiques à répétition qui montrent à quel point notre système est obsolète, crises migratoires et religieuses, l'actualité ne prête que rarement à sourire. C'est d'ailleurs le mot qui définit le mieux ce vingt-et-unième siècle : crise.

Attention, je ne suis pas dépressif, contrairement à ce que pourrait suggérer ce premier billet ! 🙂 Au contraire, je suis un bon vivant qui aime rire, voyager. Mais cette humeur noire qui me prend parfois fait aussi partie de moi, et j'ai décidé de lui consacrer un espace où s'épancher. Parce qu'à force de la garder pour moi, je risque d'être submergé par elle. Bienvenue, donc, sur le blog d'un gars qui, dans la vie, a la patate, mais qui, ici, en a gros sur la patate.