Gros sur la patate

28Juin/18Off

ERC : axer en priorité la compensation sur la renaturalisation de sols artificialisés

La résurrection de la compensation ouvre de multiples questionnements. Se pose tout d’abord la question iconoclaste et sans doute dérangeante de la compensation rétrospective des grands travaux menés de 1976 aux années 2000. Pendant toute cette période, de fait, la compensation était «déjà» juridiquement obligatoire mais n’a pas été mise en œuvre pour autant. Se pose ensuite la question du sens fondamental à donner au terme compensation. À l’instar de l’évitement, le terme est quelque peu trompeur: ce qu’il s’agit de compenser, ce sont les conséquences néfastes pour la biodiversité des travaux d’aménagement; or la toute première de ces conséquences, par définition peu ou pas compensable, est l’artificialisation des sols. Dès lors la compensation authentique est celle qui consisterait symétriquement à re-naturaliser des sols déjà artificialisés, ou à rendre des espaces bâtis à leur vocation naturelle : en d’autres termes déconstruire chaque fois que l’on construit. Cet objectif peut être jugé utopique ou peu réaliste. Il a pourtant le mérite de faire mécaniquement observer que les friches industrielles, commerciales, ou bien encore les anciennes infrastructures abandonnées, ont toute leur place dans le dispositif et devraient être examinées en priorité dès lors qu’il est question de procéder à des opérations compensatoires sur un territoire. Mais, et c’est là notamment que le bât blesse, la compensation telle qu’elle est pratiquée actuellement (ou telle qu’elle commence à être pratiquée) ne repose sur aucun critère préférentiel en matière de choix des sites de compensation. Dans la pratique, ceux-ci sont souvent choisis sur des terres agricoles, ce qui constitue pour ces dernières une sorte de double peine: déjà impactées par le projet initial, elles le sont une seconde fois au titre de la compensation. Le choix de ces zones devrait, au contraire, être guidé par la perspective de réaliser une plus-value environnementale substantielle, considération que désigne, dans le jargon en usage, le terme d’additionnalité. De ce point de vue, il est plus avantageux de mener une opération à caractère compensatoire sur un espace déjà partiellement artificialisé, ou sur une exploitation agricole intensive caractérisée par l’usage d’intrants, que sur un espace naturel à plus haute valeur écologique. Mais les choses sont moins simples en pratique. Les opérateurs s’interrogent fréquemment sur la nécessité de raisonner en termes surfaciques plutôt qu’en termes purement qualitatifs aux fins de l’opération de compensation: ainsi proposera-t-on, si la situation s’y prête, d’employer un ratio de 10 unités compensées pour une unité initialement impactée. Un tel ratio a été adopté, par exemple, dans le cadre de l’installation en 2007 d’une canalisation de gaz entre Fos Cavaou et Saint-Martin-de Crau, affectant la célèbre plaine du même nom.

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